26 novembre 2020 Juridique

Division primaire, lotissements, permis valant division : retour sur ces distinctions, à l’aune, de la décision du Conseil d’Etat du 12 novembre 2020

La faculté de diviser sa propriété et de parceller une unité foncière témoignent de la libre disposition de nos droits.

Pourtant, chacun de nous le sait : à chaque division foncière projetée dans nos dossiers, les règles d’urbanisme viennent la contrôler, lui donner un régime et nous obligent parfois à l’amender .

Au final, la maitrise de l’opération immobilière suppose d’avoir orchestré et choisi, la division foncière idoine, parmi celles proposées par le législateur. Le défi est donc de trouver laquelle correspondra le mieux à la finalité envisagée par l’aménageur.

Comme un écho, résonne alors cette équation : construire puis diviser ou diviser puis construire ?

La dichotomie est posée : diviser puis construire caractérise une division foncière constitutive d’une opération de lotissement au sens de l’article L.442-1 du Code de l’Urbanisme.

Cette opération suppose d’avoir obtenu “le permis de diviser ” en propriété ou en jouissance, avant toute construction.

Il se traduit par l’obtention d’une déclaration préalable ou d’un permis d’aménager – article L.442-4 du Code de l’Urbanisme -, étant entendu qu’aucune promesse de vente ne peut se signer sans détenir celui-ci. La prudence suppose d’ailleurs qu’il soit purger de tout recours et de tout retrait au jour de la signature de l’avant-contrat.

Réciproquement, construire puis diviser ne serait pas une opération de lotissement et ouvrirait à l’aménageur le champ des possibles.

Telle est l’idée du permis valant division institué par l’article R. 431-24 du Code de l’Urbanisme ou du permis appelant une division primaire résultant de l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme.

Ces deux formes de divisions permettent d’obtenir, avant toute modification parcellaire, l’autorisation de construire.

L’une, suppose une demande de permis de construire, sur une ou plusieurs unité foncières contigues, sur lesquelles plusieurs bâtiments vont se construire.

La demande portant sur une telle opération est un permis de droit commun néanmoins complété par les pièces indiquées à l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme : le plan de division, pierre angulaire de l’opération, est un préalable indispensable à ce permis spécifique car, essentiel à son instruction. Et, en présence de voies et d’espaces communs, il est nécessaire aussi de transmettre aux services instructeurs, l’organisation envisagée pour ces derniers : association foncière urbaine, copropriété…

Pour le permis valant division,c’est de l’autorisation d’urbanisme initiale que nait la division

Cette division ne sera pas réalisée avant l’obtention du permis mais interviendra avant l’achèvement du projet : la division du terrain d’assiette suppose un projet de constructions inachevées. Mais, si celle-ci intervient après l’achèvement, le permis valant division devient un permis de droit commun – CAA, Lyon, 4 Juillet 2017, n° 15LY01615 – et la division aussi.

Celle-ci consistera alors à diviser une propriété bâtie et, en fonction du territoire sur laquelle elle est située, une autorisation sous forme de déclaration préalable -article L.115-3 du Code de l’Urbanisme – pourrait être requise pour parvenir à morceler cette unité foncière en plusieurs parcelles bâties.

A ce permis valant division, s’ajoute une catégorie de divisions foncières, dites “primaires, instituées par l’article R.442-1 (a) du Code de l’Urbanisme : l’autorisation de construire portera sur une partie de l’unité foncière alors même que la division de terrain sera réalisée plus tard, une fois le permis obtenu. Les constructions envisagées doivent être autres qu’une maison individuelle au sens de l’article L.231-1 du Code de construction et de l’Habitation.

Contrairement au permis valant division, les pièces requises pour cette demande de permis ne sont autres que celles d’un permis de droit commun. et aucun plan de division est exigé par le législateur.

Le permis de construire visé par l’article R.442-1 (a) est alors en tous points un permis de droit commun. 

Partant, celui-ci s’il est en cours de validité, peut alors faire l’objet d’un permis modificatif.

La division dite “primaire” ne constitue donc pas un préalable indispensable à l’obtention du permis. Et d’ailleurs, si tel était le cas, cette division relèverait de la procédure de lotissement.

Elles constituent donc une division foncière, non pas dispensée de permis d’aménager et de déclaration préalable propres aux lotissements mais, elle est, plus simplement, exclut du champ d’application de cette règlementation et n’est pas contrôlée en tant que telle.

C’est ainsi que le permis valant division primaire est autonome et se suffit à lui même : le service instructeur appréciera ce permis de manière isolée sans tenir compte d’aménagements éventuels liés à d’autres permis potentiels tandis que l’aménageur poursuit une opération d’ensemble révélée plus tard et à son terme. La technique des divisions primaires successives n’est pas prête de demeurer lettre morte…

Mais alors, la demande de permis liée à une « division primaire » peut elle faire l’objet d’un permis modificatif éventuel et doit elle être déposée sur l’assiette de la propriété ou sur la seule partie où le pétitionnaire sera habilité à réaliser l’opération immobilière envisagée ?

C’est à ces questions pratiques que nous répond le Conseil d’Etat, dans sa décision du 12 novembre 2020 – n° 421590.

Une division primaire s’opère, par définition, après l’obtention du permis de construire, lequel porte donc à sa date de délivrance sur une unité foncière non divisée.

Dès lors, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, même si cette dernière est informée de la division à venir. 

Le service instructeur examine donc la demande initiale de permis à la date de la demande, abstraction faite de sa division future. Par conséquent, cette demande portera sur la totalité de l’assiette de la propriété et non sur la parcelle destinée à être bâtie.

Il en est de même du permis modificatif : ce permis sera apprécié, sans tenir compte, sur le terrain d’assiette de la division intervenue. Celui-ci pourrait donc porter en amont, sur la modification de l’assiette foncière du projet depuis le permis initial puisque celui-ci est délivré uniquement au regard de la totalité de la parcelle.

A l’exclusion des opérations de lotissement, on le voit, les divisions foncières ont encore de beaux jours devant elles.

Néanmoins, la prudence est de mise : la frontière est ténue entre diviser puis construire ou construire puis diviser.

Il nous faut veiller à ce que chacune de ces divisions ne puissent pas être requalifiées en opération de lotissement et partant en constituer une fraude.

Chaque utilisation de ces différentes techniques de division corresponde à une hypothèse précise dont nous sommes, en quelque sorte, les gardiens.


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